Se dirigeant vers la salle d’étude des runes à la recherche d’une quelconque aide pour déchiffrer leur premier indice, les deux jeunes hommes arpentaient les couloirs du château en silence pour parvenir jusqu’au sixième étage, un certain embarras presque palpable planant dans l’atmosphère. Au moins pour l’instant ne s’étaient-ils pas encore battus – ou quoique ce soit d’autre. C’était un premier pas, et celui qu’ils avaient fait également l’un envers l’autre quelques instants auparavant signait une trêve qui, bien que certainement passagère, leur offrait tout deux la possibilité pour une fois de pouvoir se supporter sans que les choses ne partent pas à la dérive d’une manière ou d’une autre.

Cependant aucun ne savait quoi dire, et Draco ne préférait pas avoir à briser le silence. S’il fallait cela pour éviter d’aborder les sujets houleux avec lui, autant se taire. Et de toute façon, que pouvaient-ils bien se raconter ? En quatre ans, la seule chose qu’ils avaient pu échanger n’étaient que des insultes et des provocations sans fin. Enfin ils avaient l’opportunité de changer la donne ne serait-ce que pour quelques minutes s’il le fallait… mais comment s’y prendre ? Et devait-il faire quelque chose de toute manière ? Le blond n’en avait pas la moindre idée. Les mains dans les poches, il avançait de sa démarche éternellement droite et au maintient parfait qu’il adoptait naturellement, le regard toutefois par moments rivé sur le sol tandis qu’il semblait s’égarer dans ses pensées. Osant quelques brefs coups d’œil vers Potter sans tourner la tête pour ne pas que celui-ci le remarque, il retint un soupir lorsque ses yeux se posèrent sur son visage. Non, il ne pouvait pas dire qu’il ne ressentait rien à le regardant, ce serait un immense mensonge. Mais il n’avait pas le droit d’éprouver quoi que ce soit, c’était un fait qui ne pourrait pas changer. Et puis qu’éprouvait-il de toute manière ? Lui-même l’ignorait. Tout ce qu’il savait c’était que ça n’était pas… normal.

Enfin, le Gryffondor et le Serpentard arrivèrent dans la salle déserte et plongée dans le noir. A leur entrée, des flambeaux fixés aux murs s’allumèrent tout à coup, leurs flammes dansant lentement au gré du léger courant d’air qui filtrait entre les pierres épaisses du château. S’arrêtant au milieu de la pièce, le jeune homme regardait les environs en posant ses mains sur ses hanches. Par où commencer ? Son regard se posa sur les tables qui peuplaient la salle, puis sur le tableau sur lequel trônaient encore des inscriptions que le professeur de runes n’avait pas désiré ou eu le temps d’effacer. Se dirigeant vers le tableau, il inspectait les inscriptions, regardant si cet oubli n’était peut-être pas volontaire… mais rien. Non, il ne trouvait rien qui puisse correspondre à ce charabia qui gisait sur le morceau de parchemin.

Se retournant vers Potter, il croisa un bref instant son regard pour lui demander alors :

« Bon… On commence par quoi ? »

Lâchant un soupir en passant une main derrière sa nuque, il tourna la tête vers une armoire installée dans un coin de la salle et se dirigea vers elle, l’ouvrant à la recherche d’un livre ou il ne savait quoi d’autre qui pourrait leur donner un coup de main.

Décidément, ce « jeu » allait bien rapidement lui taper sur le système. Il y avait intérêt à ce qu’ils trouvent une solution, sinon il se jurait d’aller tuer à mains nues cet espèce de pauvre fou sénile de directeur…

Harry suivait docilement Malfoy, la tête baissée, focalisé sur ses pas pour ne pas laisser à son regard la possibilité de s'échapper dans des contrés dangereuses. Etrangement, toute cette histoire dans laquelle ils semblaient s'être embarqué ne le tourmentait pas plus que cela. Il était surtout troublé par cet apaisement qui se muait tantôt en colère tantôt en malaise qui le prenait lorsque Malfoy était à ses côtés.

Quoi qu'il en fut, Harry se sentait vivant auprès de sa Némésis et peut importe par quel mécanismes tordus de son esprit tourmenté, il profitait de l'équilibre émotionnel que ça lui conférait sans chercher à en approfondir les raisons.

Après tout, des choses beaucoup plus compliquées s'étaient résolu sans qu'il ne parvienne jamais à y réfléchir convenablement. C'était ainsi, Harry n'était pas un cérébral. Il fonctionnait à l'instinct et ne se trompait que rarement en suivant ses intuitions.

Et aujourd'hui son intuition le menait en salle de rune, au sixième étage, après un périple plutôt silencieux en compagnie de Malfoy qui semblait tout aussi satisfait de ce calme que le brun. Après tout, avaient-ils réellement besoin de parler ? Non, ils étaient très bien ainsi.

Le silence étant souvent beaucoup plus éloquent qu'une centaine de mots. Concept qu'Hermione, par exemple, ne concevait pas. Pourtant, il s'appliquait parfaitement en ce moment même. La trêve entre les Némésis fonctionnait grâce à leur mutisme réciproque.

Harry suivit donc Malfoy qui pénétra dans la salle de cours sombre qui sentait le renfermé. Sur le tableau, les vestiges d'une classe donnée la veille ou l'avant veille et que personne n'aurait nettoyé. Alors que le blond allait fureter en direction des bibliothèque au fond de la pièce, Harry s'approcha du tableau. Cela l'intriguait passablement.

Le château était rempli d'elfes de maisons qui veillaient à l'entretien des liens. Même une chandelle qui chutait d'une table dans un couloir était immédiatement remise à sa place sans que personne ne s'en rende compte. Alors laisser un ensemble de caractères marqués à la craie sur un table noir, c'était un peu louche.



Harry attendit que son rival le rejoigne et lui indiqua le tableau en le pointant du doigts. La tête penchée, il essayait de trouver un moyen de percer cette ardoise du secret qu'elle renfermait. Pour sur l'indice était là derrière, il en était certain.



Harry se tourna vers le blond et lui sourit. Il essayait de se montrer avenant avec lui. Si il réussissait et que le prochain indice se trouvait bel et bien derrière le tableau, ils auraient franchi une étape vers la citrouille !



Il n'y avait plus qu'à croiser les doigts ...

Par où commencer… Draco n’en avait pas la moindre idée. Il avait l’impression que la pièce grouillait d’indices, mais pourtant tout semblait profondément inutile. Mais ils devaient trouver, ils n’avaient absolument pas d’autre choix. Se dirigeant vers le placard en bois finement sculpté, il en ouvrit ses lourdes portes, toutes sortes d’objets étranges et inconnus trônant sur les étagères entre de nombreux manuels. Prenant une sorte de kaléidoscope entre ses doigts fins, il examinait l’objet en cuivre avant de le reposer, absolument pas convaincu qu’il puisse être d’une quelconque aide que ce soit. Lâchant un soupir, ses yeux d’acier se portèrent sur la tranche des vieux ouvrages, lisant leurs nombreux titres tels que Divination par les Runes, Enchantements runiques et bien d’autres encore. En prenant un au hasard, il feuilletait les pages avant que la voix de Potter ne retentisse à l’autre bout de la salle.

Fronçant légèrement les sourcils, tout aussi curieux de sa prétendue trouvaille que préoccupé par ce casse-tête angoissant, il calla le livre sous son bras et se dirigea vers lui en silence. Puis parvenant à sa hauteur, il regarda le tableau que le jeune homme lui désignait du doigt. Ce même tableau qui l’avait interpelé quelques instants auparavant mais qui ne l’avait pas inspiré outre mesure. Il n’avait pas tort, pour une fois. Que ces inscriptions soient encore présentes était étrange, ça ne pouvait pas être qu’un pur hasard…

Tournant la tête vers Potter, les deux adolescents échangèrent un regard qui lui donna l’impression que son estomac se resserrait légèrement. Et son sourire… Déglutissant légèrement, Draco tourna à nouveau son regard vers le tableau d’un air imperturbable, bien que ses émotions au fond de son être tournoyaient à lui en donner le vertige. Mais ça n’était pas le moment de se concentrer là-dessus, au contraire.

Oui il pouvait essayer, mais ce qu’ajouta Potter lui arracha un léger rire sincère, tandis qu’il baissait un bref instant le regard.

« Un compliment maintenant ? N’en fais pas trop Potter, tu commences à me faire peur. » Le taquina-t-il.

Sortant sa baguette de la poche de sa cape noire bordée de vert, il exerça un mouvement souple et précis du poignet, et murmura en désignant les écritures :

« Révèle tous tes secrets. »

A ces mots, les inscriptions se mirent à se mouvoir se mettant dans un ordre visiblement bien précis. Pourtant, rien ne changeait. Toujours ces mêmes symboles incompréhensibles…

« Super, avec ça on va aller loin… » Souffla-t-il avec agacement, de son ton traînant.

S’interrompant, il regarda une nouvelle fois le tableau avec attention. Si ces symboles s’étaient mis dans un certain ordre ça n’était pas pour rien… Jetant un regard sur le morceau de parchemin qu’il tenait toujours entre ses doigts fins, il réalisa soudainement une chose.

« Je crois que j’ai trouvé… »

Se tournant vers le Gryffondor, il se rapprocha de lui et s’expliqua :

« Regarde, rien ne t’étonne ? Certains symboles apparaissent plusieurs fois, et là sur ce tableau tout semble s’être mis dans un ordre particulier, ça ne peut pas être anodin. Alors il doit forcément nous aider à déchiffrer ce qu’il y a marqué sur ce parchemin. Si je ne fais pas fausse route… » S’interrompit-il, commençant à compter le nombre de runes dessinées au tableau.

Tout à coup, un sourire fier et satisfait se dessina sur ses lèvres.

« 26 symboles. Ca ne te dit rien ? » Lui demanda-t-il, avant de saisir une craie qui reposait au bas du tableau.

Marchant vers celui-ci, il commença à attribuer chaque lettre de l’alphabet à la rune correspondante, puis, se tournant vers le Gryffondor, le blond lui dit avec une certaine tension anxieuse :

« Bon. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts. »

Harry était dans un état d'excitation avancé. Malfoy venait de lancer avec brio le sortilège sans un léger sarcasme qu'il interpréta plutôt comme une tentative maladroite de faire un trait d'humour et les lettres sur le tableau se mirent dans un ordre tout autre que celui qu'elles avaient adopter auparavant.

Au début, rien n'était clair pour Harry qui laissait sa Némésis réfléchir avec cet air inspiré qu'il adoptait parfois en cours lorsqu'il était concentré. Puis il remarqua que le front plissé et la moue attendrissante du blond se transformait en un sourire malicieux. Il avait trouvé. Tant mieux car Harry lui, ne comprenait rien à ce qu'il avait sous les yeux.

Apparemment tout avait fait lumière dans l'esprit de son rival qui semblait compter quelque chose sur le parchemin. Puis il jeta un oeil au tableau et se tourna vers lui. Vingt-six caractères. C'était vrai ! Les runes du parchemin de Dumbledore était un alphabet codé pour interpréter la phrase sur le tableau.



Harry s'empara d'une craie et se jeta sur le tableau. Il se tourna vers Malfoy et hocha la tête avec défi et conviction. Ils allaient y arriver, c'était certain. Le premier indice était sur le point de leur être révélé !



Harry s'activa avec le morceau blanchâtre et poussiéreux. Bientôt, les lettres apparaissaient derrière les dessins runiques et des mots se formaient. Enfin, lorsqu'il fut arrivé à la fin du rébus géant, le brun fit trois pas en arrière et s'éloigna suffisamment du tableau pour lire la phrase ainsi formée.

Promenons nous dans les bois, pendant que le loup y'est pas, si le loup y'était, il nous mangerait, mais comme il n'y est pas, il nous mangera pas.

Harry explosa de joie et se retourna vers le blond avec un sourire ravageur. Il ne put s'empêcher de laisser glisser sa main vers celle de sa Némésis qu'il serra imperceptiblement. Ce ne fut qu'un effleurement mais il avait eu besoin de ce contact.



Harry déglutit en fuyant Malfoy du regard. Il venait de l'appeler Draco ... Mais quelle mouche l'avait piqué ! Merlin tout puissant, mais pourquoi ne pouvait-il pas se comporter normalement dès que le blond était près de lui ...

Prenant la craie qui traînait au bord du tableau avec excitation et précipitation, Potter se tourna vers lui, un air définitivement résolu. Oui ils allaient y arriver, et si tout continuait sur un si bon chemin alors ils auraient terminé toute cette histoire en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Mais connaissant Dumbledore, rien n’était moins sûr en fin de compte… Qui sait ce que son esprit tordu a encore bien pu inventer pour les faire ainsi cogiter pendant des lustres ! Mais là n’était pas encore la question, ils devaient d’abord croiser les doigts pour qu’il n’ait pas fait fausse route et que ce code trouve réellement une quelconque signification.

Associant à voix haute chaque symbole avec chaque lettre qui lui était associée, Potter reposa enfin la craie après avoir noté ce que le blond lui dictait et se recula de quelques pas, observant avec une grande attention le tableau. Ils avaient trouvé… Un sourire se dessina sur les lèvres de Draco, dont la fierté et l’orgueil qu’il aurait dû éprouver à avoir trouvé le fameux de cette histoire étaient pourtant éteintes pour laisser place à un immense soulagement. C’était un premier pas vers cette maudite citrouille qui n’attendait plus qu’eux.

D’une joie plus que manifeste, le brun se tourna précipitamment vers lui, son sourire arrachant aussitôt à Draco un douloureux battement de cœur. Jamais il ne l’avait vu sourire de la sorte, il en devenait tellement… Et lorsque sa main effleura brièvement la sienne… Et… Venait-il de l’appeler par son prénom ? Sans doute, au vu de la manière dont le Gryffondor était soudainement embarrassé. Ne disant pas un moment sur le coup, Draco referma ses lèvres légèrement entrouvertes sous l’effet de la surprise et déglutit légèrement avec peine. Pourquoi avait-il si soudainement l’envie de le prendre dans ses bras, de le sentir contre, de voir encore ce sourire qui le rendait si cruellement et inexorablement attirant ? C’était presque comme s’il venait de le découvrir pour la première fois…

Passant sa main derrière sa nuque, profondément troublé, Draco toussota légèrement pour s’assurer de posséder une voix des plus normales, et déplia toutes ses forces pour se concentrer à nouveau sur la tâche qui les attendait.

« Les bois, un loup… Je n’en sais rien. La Forêt Interdite, peut-être ? Quoique je vois mal Dumbledore nous demander d’enfreindre le règlement pour son stupide jeu. »

Lâchant un soupir, Draco fit quelques pas dans la salle, se dirigeant vers l’une des fenêtres autant pour laisser son regard s’abandonner sur les alentours du château qui lui faisait face que pour s’éloigner de Potter dont la présence lui était de plus en plus insoutenable. Mais pour une fois non plus parce qu’il avait envie de le frapper, mais bien pire encore… Il le voulait. Tout simplement. Aussi écœurante que pouvait l’être cette idée dont il ne comprenait absolument pas le sens.

« Ou alors l’ancienne salle de classe de Lupin, pour le côté loup. Non, c’est totalement stupide… A moins que ce soit un endroit interdit où l’on doit entrer sans se faire prendre ? Mais là encore je vois mal le vieux fou nous demander de faire une chose pareille. Encore que, plus rien ne m’étonnerait ici. Tu as une idée ? C’est le moment de faire marcher ton fameux flair. » Lui dit-il en se tournant vers lui, évitant soigneusement son regard pour ne pas retomber une nouvelle fois dans le piège de son regard dangereusement hypnotisant.

Harry se sentait aussi mal à l'idée d'avoir laisser son enthousiasme débordé au point d'effleurer la paume tentatrice de Draco. Draco, comme ce prénom sonnait agréablement à ses oreilles, et comme il s'imposait à lui davantage encore que ce sec patronyme qu'il lui donnait d'ordinaire. Les quelques lettres glissaient dans sa gorge et la position de sa langue et de ses lèvres lorsqu'il le prononçait appelait le baiser ...

Harry se mordit férocement la lèvre pour s'empêcher de laisser échapper un soupir peu approprié à la situation. Malfoy avait fait quelques pas vers la fenêtre en raisonnant à voix haute sur l'hypothétique lieu du prochain indice. Mais Harry n'arrivait pas à se concentrer sur les mots qui ornaient le tableau. Son regard se perdait le long de la courbe svelte du dos de .. Draco. Merlin tout puissant combien le simple fait de penser ce prénom lui donnait envie de se rapprocher de lui.

Le Gryffondor sentit un frisson couler dans son dos et à son tour il détourna le regard du blond. Il fixa un moment le tableau puis la réponse s'imposa à lui avec une évidence rare. Non ce n'était ni la forêt interdite, ni le bureau de Lupin l'année précédente. C'était tellement évident que lui seul pouvait le savoir et Draco ne s'en douterait pas un instant.

Fier de sa découverte et plutôt content d'apporter sa contribution avec ce fameux flaire dont venait de parler sa Némésis avec une voix qu'il trouvait trop rauque pour qu'elle ne résulte pas d'un profond trouble. Peut être le contact avait-il atteint le blond autant que lui ?

Peut importait car Harry dut faire volte face pour parler de sa théorie et croisa encore une fois le regard acier du blond qui était d'une rare intensité. Il s'approcha de lui, un pas, puis un autre, comme envoûté par l'odeur que dégageait sa peau, ses cheveux. Il fallait qu'il se ressaisisse !

Harry s'éclaircit la voix en raclant sa gorge et essaya de calmer les tremblements de ses paumes. Il ne fallait pas que Dra .. Malfoy perçoive son trouble sinon ils seraient partis pour une autre dispute qui finirait surement encore plus mal que les deux précédentes. Et ils ne pouvaient pas se le permettre. Pas avec cette citrouille en liberté !



Harry s'approcha encore et lorsqu'il fut à quelques centimètres du blond, il se retint de respirer un instant avant de laisser ses poumons se remplir du parfum suave et délicat qui se dégageait de lui. Les paupières closes un peu plus longtemps alors qu'il cillait, il regarda à nouveau ses pieds avant d'oser relever la tête vers lui.

Ce qu'il allait lui dire serait sans doute déplacer, mais peu lui importait car il pensait au fond de lui que c'était exactement ce qu'il devait dire. Ca ne pouvait que les rapprocher. Techniquement. Et puis après tout, autant se lancer. Harry n'aurait qu'à s'adapter en fonction de sa réaction.