Justin, fils de deux parents moldus, menait une vie normale et ordinaire, comme dans toutes les familles de moldus. Sa naissance, toute aussi ordinaire que sa famille, s'est déroulée dans une salle stérile d'une clinique privée de Manchester, derrière les portes closes au bout d'un long couloir neutre. Son père, un employé au Ministère de Grande-Bretagne, et plus précisément dans le Service de l'Education et de la Jeunesse, service de la scolarité des élèves handicapés, s'était marié Maria Adams, fille de deux avocats. Valentin Finch-Fletchey (autrement dit le père de Justin) et son épouse ont eu la chance de recevoir deux magnifiques enfants, Justin et Martin. Quant à l'étonnement de la famille du Poufsouffle, préciser qu'il n'était pas mesurable n'est pas une exagération. Comment une employée de mairie et son mari auraient-ils pu deviner que le fils aîné était un sorcier ? Découvrir une nouvelle culture, une nouvelle école, bien différentes de la vie morne d'un simple moldu, et sa curiosité fiévreuse d'étaient propagés dans les esprits des membres de la famille, émerveillée par la nouvelle, bien que surprenante. Et d'ailleurs, toute la famille Finch-Fletchey s'était mis au courant sur la magie, et le monde qu'ils avaient, pendant de si nombreuses années, ignoré. Leur première visite du Chemin de Traverse avait été une agréable découverte, pour les trois membres de la petite famille, bousculée dans la marée sorcière, qui s'arrêtait devant les vitrines chargées et décorées des boutiques.
Seulement, la vie de Justin n'a pas toujours été aussi joviale qu'il n'y paraît ... Derrière ses traits sympathiques et éminemment cordiaux se cache en réalité un esprit torturé par une culpabilité irrémédiablement cruelle. Cet être, déchiré, tente bien de cacher l'évènement qui a bouleversé toute son enfance.
C'était un dimanche ; les Finch-Fletchey avaient décidé de faire une petite excursion dans les terres, près des falaises escarpées, une zone dangereuse, mais pas pour le point de vue de Valentin et Maria. Après un repas copieux, des paroles échangées dans une intimité douce et confortable, les deux enfants, âgés de neuf et six ans, s'étaient écartés de la nappe étendue sur l'herbe, et désirait explorer les environs. Une fois arrivés au bord d'une falaise, dont les nombreux détails seraient ancrés à jamais dans la mémoire de Justin, ils s'avancèrent jusqu'au précipice. C'est d'ailleurs là que l'incident se produisit. Pris d'une vague de vertige, Justin s'étant ainsi écarté du ravin, il avait senti l'accident arriver. Il vit, quelques secondes auparavant, le corps désarticulé de son frère perdre de l'altitude, pour s'effondrer sur le sol herbeux, fin douloureuse de sa chute. Evidemment, il aurait voulu rappeler son petit frère, Martin, ainsi béat devant le précipice vertigineux. Seulement, à six ans, braver un danger, une interdiction, prodigue des sensations nouvelles, inviolées, dont tous les enfants sont friands ... Malheureusement. L'éboulement couvrit le cri strident et étonné du gamin casse-cou, dans son vacarme sourd et bruyant. S'en suivit le cri perçant d'un frère mutilé par la culpabilité, agenouillé dans la marée grasse et verte, versant, choqué, les premières larmes d'un drame qui ne cesserait de sensibiliser des yeux rougis, bouffis, humides, source intarissable d'un écoulement continu de tristesse profonde. "J'aurais pu éviter sa mort, j'aurais pu !" a-t-il prononcé, submergé par le choc et les hoquets indomptables. C'était un 16 avril.
Outre ce drame sentimental, Justin a toujours suscité de bons commentaires de la part de ses professeurs, depuis le début de sa scolarité à Poudlard. Sa Première Année a sans doute été celle qui a été la plus riche en émotion. Après tout, être lancé dans un monde différent, alors qu'on le méconnaissait auparavant, ça n'était pas de tout repos. Sa Deuxième Année, quant à elle, avait fini plus ... bizarrement. Poudlard avait été plongé dans une terreur sans pareil, sur laquelle la rumeur d'un descendant de Salazar Serpentard se prendrait à tous les Né-Moldus. Evidemment, cette légende macabre n'avait pas épargné Justin, qui fut pétrifié le 18 Décembre. Outre le trou noir énorme dans lequel il avait été plongé, il ne se souvenait seulement d'un serpent qui avait tenté de l'attaquer, au Club de Duel, et commandé par Harry Potter. A vrai dire, ce détail ne l'avait pas échappé, et encore aujourd'hui, Justin était plongé dans une incompréhension que nul ne pouvait atténuer ... Sa Troisième Année a été, quant à elle, beaucoup plus reposante. Une année ordinaire, rythmée par des cours plus nombreux, à cause des options qu'il devait choisir. Et durant cette Quatrième Année d'études à l'Ecole de sorcellerie Poudlard, il espérait être sélectionné en qualité de Batteur dans l'équipe de Quidditch de sa maison, celle de la fidélité et de la loyauté.

La pénombre silencieuse du Dortoir des Poufsouffles abritait, en temps normal, plusieurs dizaines de cerveaux en sur-régime, plongés dans des rêves différents, plaisants ou non. Sous les inspirations rythmées des adolescents assoupis, plongés sous la chaleur tiède des draps tirés, quelques gémissements étaient finalement audibles, comme s'il s'agissait d'une plainte désespérée, lancée dans un voix entravée par une émotion constante et omniprésentes. Les faibles acclamations persévéraient, brisant l'atmosphère paisible et nocturne.

Il s'agissait en réalité de Justin, visiblement tiraillé. Englobé dans une moiteur fiévreuse, emballée dans des songes intenses, le Poufsouffle semblait revivre un drame. Contractant inconsciemment ses muscles, lâchant quelques coups dans le vide, comme s'il eût désiré frapper un ennemi fictif, il se figea, l'espace de quelques secondes, se prenant l'estomac, dépité. Enroulé sur lui-même, formant une boule compacte et haletante, il devint soudainement muet, la vague étant passée.

Des vagues déferlantes s'écrasaient bruyamment sur les falaises escarpées, claires, calcaires. La bruine s'échappait en plusieurs volutes titanesques dans l'air, pour retomber sur l'herbe grasse qui s'étendait, sur plusieurs centaines de kilomètres, dans les landes britanniques. Un ciel nuageux recouvrait les horizons, que s'il s'agissait d'un voile opaque, protecteur et hermétique. Les bruissements aquatiques de la houle déchaînée comblaient les tympans fins et sensibles de Justin, qui avait posé ses mains sur les épaules de son petit frère, juste positionné devant lui. Leurs yeux émerveillés contemplaient l'immensité grise, terne et froide. Au loin, des éclats de rires, mâtures et adultes, s'élevaient, signe que les parents s'amusaient eux aussi. Puis enfin, sous l'impulsion puérile et irresponsable du jeune Martin, le gamin s'avança, malgré l'interdiction sonore de son grand frère.

Il risqua un pas, puis un autre, pour s'avancer à quelques centimètres du précipice, écartant ses bras maigres. Le vent impérieux ébouriffait ses cheveux, comme s'il agissait tel un parent, qui n'avait plus vu son jeune filleul depuis un moment. La voix perçante, aiguë et enfantine de Martin s'élevé, répéta en un écho lointain :

"Regarde, Justin ! Que c'est beau !"

La voix plus muée, responsable, s'éleva à son tour, répondant à l'exclamation admiratrice du petit Finch-Fletchey, le rappelant :

"Martin, reviens par pitié. C'est dangereux, allez !"

L'enfant refusa, manifestant son refus par de grands gestes, frénétiques et remontés. Aussi, c'est à ce moment-là que Justin crut voir naître une fissure, mince et discrète, qui apparaissait, déchirant partiellement l'étendue verte et herbeuse. Interdit, il resta figé, troublé par l'apparition aux conséquences démesurées, qu'il n'était pas prêt à comprendre ni à imaginer.

Enfin, la terre grumeleuse se déroba sous les pieds de Martin, qui, dans un cri d'effroi, tenta vainement de se retourner, regardant son grand frère vulnérable, les yeux étonnamment ouverts. Le corps désarticulé, plié dans des sens inconfortables, il acheva sa chute vertigineuse dans l'eau grise, éminemment triste. En haut de la falaise, à seize mètres de l'impact, le cri désespéré, coupable et déchirant d'un Justin affalé sur l'herbe, brisé par l'imageg terrorisante de son frère, sur le point de mourir, brisait la jovialité incrustée dans le cadre du pique-nique improvisé. Au loin, les ébauches des parents accouraient, comprenant, mètre après mètre, le drame qui s'était produit sous leurs yeux ...

Dans le Dortoir des Poufsouffles, un élève de la maison de la loyauté se réveillait en sursaut, haletant sous l'effet du cauchemar.

Encore une mauvaise nuit ...

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